Une ode anticonformiste à la fragilité de la vie
Pieter T'Jonck - De Morgen (10 octobre 2016)

Dans ‘FOREVER’, Grace Ellen Barkey fait batifoler un chanteur et trois danseurs, qui flirtent entre eux, mais aussi avec la mort, sur la musique de l’Abschied de Gustav Mahler. Émouvant et anticonformiste tout à la fois.

Lorsque Mahler composa entre 1908 et 1909 ‘Der Abschied’, le final de son ‘Lied von der Erde’, il savait que sa fin était proche. Dans le texte mélancolique, un homme raconte son errance vespérale. Il médite sur la beauté et l’amitié qu’il a perdues. Cependant, il réalise que la vie continue dans la nature. Mieux vaut parfois rire de la mort que de s’en plaindre. Mahler a donné le meilleur de lui-même pour sculpter autour de ces paroles une orchestration qui exprime le moindre mouvement de l’âme. Dans ‘FOREVER’, celle-ci est absente. Maarten Seghers, vêtu de guenilles, monte sur la scène en trébuchant comme un pauvre vagabond. Le décor fait penser à un théâtre de marionnettes déjanté. Un rideau nous révèle qu’on va assister à un petit numéro de théâtre. Mais un petit numéro chaotique, avec des chaises empilées en équilibre instable, ou des pendules en porcelaine carillonnante signées Lot Lemm. Au milieu de ce bric-à-brac, Seghers chante l’Abschied a capella. Il ne reste rien, du coup, des sonorités finement ciselées de Mahler. Le chant est rocailleux et râpeux. Seghers se rend presque ridicule avec sa voix brute de décoffrage. Les paroles sont suspendues dans le néant, malgré les piaillements des petits oiseaux qu’on entend çà et là ou les images de nature qui sont projetées au-dessus de la scène. Pendant ce temps, derrière lui, Mélissa Guérin, Sarah Lutz et Mohamed Toukabri esquissent des petites danses. Les filles à moitié dévêtues, paradant avec leurs courbes et leur maîtrise, taquines et dragueuses. L’espace d’un instant, Seghers convie Guérin à des intimités plus qu’explicites, avant de reprendre sa tâche de chanteur solitaire. Il semble de plus en plus seul, surtout lorsque les sons de synthétiseur assourdissants de Rombout Willems se mettent à couvrir sa voix. S’agit-il là des amours malheureuses de Mahler ? Peut-être.

Hommage ou pas ?

Quoi qu’il en soit, on ne peut pas soupçonner Barkey d’une déférence démesurée envers Mahler. Et pourtant… D’une manière anticonformiste, ce spectacle est un hommage au compositeur. A l’instar de ce dernier, Barkey fait un pied-de-nez original à toutes les noires considérations au sujet de la mort. Elle montre à la fois la vulnérabilité et le plaisir, comme deux faces d’une même médaille. Comme si elle n’avait vraiment plus envie de s’en tenir à des paroles et des gestes convenus. ‘FOREVER’ constitue ainsi une ode à la vie de quelqu’un qui sait à quel point celle-ci est fragile. Aussi fragile que toute la porcelaine qui est réduite en miettes à la fin de la pièce.

 

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